Les tricoteuses de Wooly Rouge
« Je tricotais avant de savoir lire… Ma grand-mère m’a tout appris du tricot. J’ai ça dans le sang ! Je ne peux pas m’assoir sans tricoter… Même s’il n’y a pas de commande, je tricote… »
Toutes les tricoteuses racontent l'histoire d’une tradition ancrée au plus profond d’elles-mêmes. En se professionnalisant, les tricoteuses travaillant pour l’ONG Udružene et Wooly Rouge ont pris la pleine mesure de l’héritage et du savoir-faire dont elles sont gardiennes.
Aujourd’hui, formées dans les centres de formation d’Udružene à des techniques nouvelles et à un haut degré d’exigence, les tricoteuses donnent un souffle nouveau au tricot et lui donne toute sa place dans la mode d’aujourd’hui.
En accédant au statut de tricoteuses professionnelles, le regard qu’elles portent sur elles-mêmes change, comme leur place au sein de leurs familles et de leurs communautés. Un changement de statut profitable à tous.
Amela, cheffe d’atelier en contact permanent avec les tricoteuses, en témoigne.
« Dans notre société rurale, dans nos familles, la position des femmes est souvent défavorable ; l’homme est le chef de famille, domine. Mais les revenus que les femmes gagnent ici changent considérablement la façon dont leur famille les traite. Le simple fait de gagner et d'apporter de l'argent au foyer change son statut au sein de la famille. Même les hommes commencent à penser différemment et apprécient cette nouvelle organisation. La femme se sent mieux, le mari aussi, et en fin de compte, toute la famille en bénéficie. »
Huma, tricoteuse de la région de Konjic : « Nous les femmes, sommes restées comme des "arbres abattus" comme on dit chez nous. Sans éducation, sans emplois… Nous n’étions pas appréciées, et notre position au sein du foyer était considérée comme acquise. Mais aujourd’hui, à force de tricoter, j’ai gagné en courage, je me sens plus confiante. Et puis, c’est vrai, l’argent compte aussi : désormais je n’ai plus à demander de l’argent à mon mari pour faire des choses pour moi. »
Dans un pays à l’histoire récente douloureuse, le tricot apporte enfin un important bénéfice psychologique.
Le tricot est reconnu pour ses qualités thérapeutiques, notamment dans le cas de trauma. La répétition du geste, la texture douce et rassurante de la laine, les couleurs, la beauté produite, l’exigence d’une concentration maximale... apaisent, rejettent loin les traumatismes. En un mot, tricoter soigne ! Les tricoteuses ne disent rien d’autre.
Rabija : « Quand je tricote, je me concentre uniquement sur ce travail. Ça éloigne de moi les souvenirs sombres, me détend, m’apaise, me fait du bien. »
Merima va dans le même sens : « Le tricot m’aide à rester calme. Quand je tricote, mes pensées s’arrêtent, et ça me calme. C'est un peu comme une thérapie. On m'a suggéré de consulter un psychologue pour parler de tout ce que j'ai vécu, mais tricoter m’a permis de ressusciter. »
Depuis 2012, l'ONG "Udruzene" et Wooly Rouge ont formé plus de 450 femmes.